LES CHEVAU-LEGERS
Une
caserne, un lieu de fête, puis autour de son impasse : les Bains Saint-Louis, le
cinéma l'Alhambra et les salles de ventes.
Plan des anciens hôtels acquis pour la création de l'Hôtel des chevau-légers.AMV. 1750.
Très mal
logés dans des locaux de la rue des Bon-Enfants (rue du Peintre
Lebrun), il fut
décidé en 1741 d'acquérir sur l'avenue de Sceaux plusieurs bâtiments pour les loger avec leurs officiers, leurs chevaux.
De 1741 à 1751, l'état-major de la
Compagnie achète successivement sur l'avenue de Sceaux les anciens hôtels de
Louis XIV : l'hôtel des Coches (N°4), l'hôtel des Gabelles et des
Fermes (N°6), puis en 1751, l'hôtel de
Seignelay (N°8)
qui devait devenir la demeure du capitaine de la Compagnie. Les bâtiments,
immenses, construits les uns après les autres directement sur l'avenue,
formaient un ensemble de cours, d'écuries et de logements avec en arrière un
important terrain formant manège ou
terrain de manœuvre. Un angle affleurait la rue de Satory à hauteur du N° 19 et
l'autre, la rue de l'Orangerie où existait un passage à hauteur de l'Hôtel de
d'Artagnan (N°17) rue de l'Orangerie.
Fidèles
à leur réputation, les chevau-légers donnèrent plusieurs fêtes dans leur hôtel.
La plus fameuse fut, en 1757, à l'occasion de la naissance du comte d'Artois. Les
chevau-légers donnèrent un feu d'artifice sur l'avenue de Sceaux, avec des
illuminations des façades. Un bal qui réunissait le "tout Versailles"
eut lieu dans une immenses salle dressée sur les terrains de la
"carrière". "L’intérieur
des cours étaient décorés dans un gout exquis. Le bal dura jusqu'à huit heures
du matin. .. Le bon ordre qui a régné à cette fête, joint à la politesse et aux
attentions des chevau-légers, n'en a pas fait le moindre agrément".(Gazette
de France). En
1768, ils firent arranger, à leur frais, la contre-allée de l'avenue de Sceaux
face à leur hôte en y plaçant des bancs de pierre. Elle devint la promenade
favorite des versaillais et des versaillaises sous le nom de "Terrasse des Chevau-légers".
Malheureusement,
les restrictions budgétaires obligent Louis XVI, en 1787, de réduire sa maison
militaire. Il supprime sa compagnie de chevau-légers. L'ensemble des bâtiments
est démembré et vendu par lots en mars et avril 1789. Les immeubles passent de mains
en mains. On note en 1811 au N°6, un Mont-de-Piété qui sera transféré ensuite
rue de Satory. Et en 1830, s’installe au N°4, une imprimerie appartenant à Auguste
Montalant, un des membres fondateurs de la Société des Sciences morales. En
1858, son fis transfère l’imprimerie au N°6. Entre le N°6 et le N°8 se crée
alors un passage qui s'élargira au fur et à mesure de son utilisation. Le
démembrement se poursuit de chaque côté du passage en plusieurs lots :
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Plan de l'Hôtel des chevau-légers en 1783. Plan Contant de la Motte. AMV. |
A droite du passage, le lot proche de l'avenue qui
correspondait à l’ancien hôtel des Fermes, est acquis en 1789 par un certain
Laurent Wathiez, ancien "officier de la bouche" du roi, devenu
épicier, dont la boutique se trouvait tout à coté « à l’encoignure de
l’avenue de Sceaux et de la rue Royale ». Son fils, François Isidore
Wathiez, devenu général d'Empire, y finira ses jours en 1856. En 1867, ce lot
avec sa maison, ses dépendances et son jardin jusqu'à l'avenue de Sceaux est
acheté par Antoine Amédée Mercier du Paty de Clam, colonel du 2° régiment de
dragons sous Napoléon III. Il sera le lieu en 1871 d'une certaine agitation en
réunissant des députés royalistes, prêts à crier "Vive le roi quand même". En 1973, une partie du terrain
sur l'avenue est vendue à une salle des ventes.
La
partie qui s'étendait au fond de l'impasse jusqu'à la rue de Satory restera
longtemps un terrain vague, occupé par un marchand de bois. En 1867, la ville
de Versailles s'en rend acquéreur pour le revendre en 1869 et y faire
construire un ensemble immobilier, "la Villa des Chevau-légers. Une dernière partie, qui s'étendait jusqu'à
l'ancienne rue de l'Orangerie sera à son tour bâtie dans les années 1970, conservant
un passage piéton vers la rue du
Général-Leclerc.
A gauche du passage, au N°8 de l'avenue, ce qui
restait de l'ancien Hôtel Seignelay est acquis en 1789 par le duc de Lévis et
le comte de Chambrillan, capitaine de Gardes du roi. Les gardes s'y
installèrent quelques mois avant d'en être chassés par la tourmente
révolutionnaire. Acquis alors par un certain Claude Pierre Sartre, il fut
brièvement occupé par la direction des "Droits réunis" équivalents
des impôts Indirects.
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Plan de
l'impasse avec les Bains Saint-Louis. BNF. 1900.
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En
1824, le bâtiment est acheté par un certain Charles Imbert. Il existait encore
à l'arrière un très beau jardin à l'anglaise, reste de l'occupation par le
capitaine des chevau-légers. Il y fait
édifier un hôtel garni et un établissement de bains, les "Bains
Saint-Louis" au fond de l'impasse. Cet établissement de bains fut exploité
sans interruption jusqu'en 1918. Sa création fut honorée d'un commentaire
élogieux : "Paris et les grandes
villes ont jusqu'à présent été en possession exclusive des établissements
thermaux approprié au traitement des maladies cutanées… On doit donc regarder
comme une idée heureuse, et comme une
entreprise qui mérite d'être encouragée, l'Etablissement des Bains Saint-Louis
dans un des quartiers les plus sains de Versailles… Les Bains Saint-Louis
renferment des bains simples, bains d'eau minérales, bains de vapeur, de
fumigation, d'ondées, d'étuves, de douches". (Nouvelle
Bibliothèque médicale, tomme III. Paris. 1826. P. 476.). Des
bains Saint-Louis, il ne reste sans doute qu'une partie de la façade, de ses pilastres et
corniches qui ornent maintenant l'entrée des salles des ventes des
Chevau-légers.
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Plan Blondel-Rougerie. 1921. BNF.
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Dans
les années précédant la grande guerre de 1914, ce qui restait de l'ancien hôtel
Seignelay était à l'abandon. Acquis par le sieur Ugo Ancillotti en 1911,
celui-ci fit construire sur le côté gauche du passage un garage et une salle de
spectacle qui fut d'abord le Cirque Ancillotti-Plège, puis l'Alhambra-Théâtre
avant de devenir entre les deux guerres, le cinéma "l'Alhambra". Il alternait
alors les combats de catch et les films de série B, attirant ainsi dans
l'impasse tous les militaires de la garnison. Il disparut en 1970 lors de
l'opération immobilière réalisée sur les restes de l'hôtel de Seignelay. C'est
à cette époque que fut agrandie l'impasse actuelle.
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Sources : Jean Lagny,
Versailles, ses rues. Le quartier Saint-Louis. / J-A Le Roi, Histoire des rues de Versailles,
1861 / M.A. De Helle, le vieux Versailles.1969, Ed. H. Lefebvre.