LES CHEVAU-LEGERS

Une caserne, un lieu de fête, puis autour de son impasse : les Bains Saint-Louis, le cinéma l'Alhambra et les salles de ventes.

                                               
     C'est en 1748 que fut créé l'Hôtel des Chevau-légers sur l'avenue de Sceaux. Ils faisaient partie de la Maison militaire du roi de France et y occupait le troisième rang, après les Gardes du corps et les Gendarmes de la garde. Au nombre de 200, n'y entraient que des fils de famille noble qui après un certain temps de service et de formation pouvaient acquérir des grades d'officier dans les régiments ordinaires de l'armée. Sous Louis XV, les chevau-légers étaient la coqueluche de la Cour et de la ville pour leur jeunesse, leur bonne éducation et pour leur bel uniforme rouge.


                                    Plan des anciens hôtels acquis pour la création de l'Hôtel des chevau-légers.AMV. 1750.

     Très mal logés dans des locaux de la rue des Bon-Enfants (rue du Peintre Lebrun), il fut décidé en 1741 d'acquérir sur l'avenue de Sceaux plusieurs bâtiments pour  les loger avec leurs officiers, leurs chevaux.  De 1741 à 1751, l'état-major de la Compagnie achète successivement sur l'avenue de Sceaux les anciens hôtels de Louis XIV : l'hôtel des Coches (N°4), l'hôtel des Gabelles et des Fermes (N°6), puis en 1751, l'hôtel de Seignelay (N°8) qui devait devenir la demeure du capitaine de la Compagnie. Les bâtiments, immenses, construits les uns après les autres directement sur l'avenue, formaient un ensemble de cours, d'écuries et de logements avec en arrière un important terrain  formant manège ou terrain de manœuvre. Un angle affleurait la rue de Satory à hauteur du N° 19 et l'autre, la rue de l'Orangerie où existait un passage à hauteur de l'Hôtel de d'Artagnan (N°17) rue de l'Orangerie.
     Fidèles à leur réputation, les chevau-légers donnèrent plusieurs fêtes dans leur hôtel. La plus fameuse fut, en 1757, à l'occasion de la naissance du comte d'Artois. Les chevau-légers donnèrent un feu d'artifice sur l'avenue de Sceaux, avec des illuminations des façades. Un bal qui réunissait le "tout Versailles" eut lieu dans une immenses salle dressée sur les terrains de la "carrière". "L’intérieur des cours étaient décorés dans un gout exquis. Le bal dura jusqu'à huit heures du matin. .. Le bon ordre qui a régné à cette fête, joint à la politesse et aux attentions des chevau-légers, n'en a pas fait le moindre agrément".(Gazette de France). En 1768, ils firent arranger, à leur frais, la contre-allée de l'avenue de Sceaux face à leur hôte en y plaçant des bancs de pierre. Elle devint la promenade favorite des versaillais et des versaillaises sous le nom de "Terrasse des Chevau-légers".


    Plan  de l'Hôtel des chevau-légers en 1783. Plan Contant de la Motte. AMV. 
     Malheureusement, les restrictions budgétaires obligent Louis XVI, en 1787, de réduire sa maison militaire. Il supprime sa compagnie de chevau-légers. L'ensemble des bâtiments est démembré et vendu par lots en mars et avril 1789. Les immeubles passent de mains en mains. On note en 1811 au N°6, un Mont-de-Piété qui sera transféré ensuite rue de Satory. Et en 1830, s’installe au N°4, une imprimerie appartenant à Auguste Montalant, un des membres fondateurs de la Société des Sciences morales. En 1858, son fis transfère l’imprimerie au N°6. Entre le N°6 et le N°8 se crée alors un passage qui s'élargira au fur et à mesure de son utilisation. Le démembrement se poursuit de chaque côté du passage en plusieurs lots :
     A droite du passage, le lot proche de l'avenue qui correspondait à l’ancien hôtel des Fermes, est acquis en 1789 par un certain Laurent Wathiez, ancien "officier de la bouche" du roi, devenu épicier, dont la boutique se trouvait tout à coté « à l’encoignure de l’avenue de Sceaux et de la rue Royale ». Son fils, François Isidore Wathiez, devenu général d'Empire, y finira ses jours en 1856. En 1867, ce lot avec sa maison, ses dépendances et son jardin jusqu'à l'avenue de Sceaux est acheté par Antoine Amédée Mercier du Paty de Clam, colonel du 2° régiment de dragons sous Napoléon III. Il sera le lieu en 1871 d'une certaine agitation en réunissant des députés royalistes, prêts à crier "Vive le roi quand même". En 1973, une partie du terrain sur l'avenue est vendue à une salle des ventes.
      La partie qui s'étendait au fond de l'impasse jusqu'à la rue de Satory restera longtemps un terrain vague, occupé par un marchand de bois. En 1867, la ville de Versailles s'en rend acquéreur pour le revendre en 1869 et y faire construire un ensemble immobilier, "la Villa des Chevau-légers.  Une dernière partie, qui s'étendait jusqu'à l'ancienne rue de l'Orangerie sera à son tour bâtie dans les années 1970, conservant un passage piéton  vers la rue du Général-Leclerc.
     A gauche du passage, au N°8 de l'avenue, ce qui restait de l'ancien Hôtel Seignelay est acquis en 1789 par le duc de Lévis et le comte de Chambrillan, capitaine de Gardes du roi. Les gardes s'y installèrent quelques mois avant d'en être chassés par la tourmente révolutionnaire. Acquis alors par un certain Claude Pierre Sartre, il fut brièvement occupé par la direction des "Droits réunis" équivalents des impôts Indirects. 


                Plan de l'impasse avec les Bains Saint-Louis. BNF. 1900.



        En 1824, le bâtiment est acheté par un certain Charles Imbert. Il existait encore à l'arrière un très beau jardin à l'anglaise, reste de l'occupation par le capitaine des chevau-légers.  Il y fait édifier un hôtel garni et un établissement de bains, les "Bains Saint-Louis" au fond de l'impasse. Cet établissement de bains fut exploité sans interruption jusqu'en 1918. Sa création fut honorée d'un commentaire élogieux : "Paris et les grandes villes ont jusqu'à présent été en possession exclusive des établissements thermaux approprié au traitement des maladies cutanées… On doit donc regarder comme une idée heureuse, et  comme une entreprise qui mérite d'être encouragée, l'Etablissement des Bains Saint-Louis dans un des quartiers les plus sains de Versailles… Les Bains Saint-Louis renferment des bains simples, bains d'eau minérales, bains de vapeur, de fumigation, d'ondées, d'étuves, de douches". (Nouvelle Bibliothèque médicale, tomme III. Paris. 1826. P. 476.).  Des bains Saint-Louis, il ne reste sans doute qu'une  partie de la façade, de ses pilastres et corniches qui ornent maintenant l'entrée des salles des ventes des Chevau-légers.

                           Plan Blondel-Rougerie. 1921. BNF.
     Dans les années précédant la grande guerre de 1914, ce qui restait de l'ancien hôtel Seignelay était à l'abandon. Acquis par le sieur Ugo Ancillotti en 1911, celui-ci fit construire sur le côté gauche du passage un garage et une salle de spectacle qui fut d'abord le Cirque Ancillotti-Plège, puis l'Alhambra-Théâtre avant de devenir entre les deux guerres, le cinéma "l'Alhambra". Il alternait alors les combats de catch et les films de série B, attirant ainsi dans l'impasse tous les militaires de la garnison. Il disparut en 1970 lors de l'opération immobilière réalisée sur les restes de l'hôtel de Seignelay. C'est à cette époque que fut agrandie l'impasse actuelle.

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Sources : Jean Lagny, Versailles, ses rues. Le quartier Saint-Louis. /  J-A Le Roi, Histoire des rues de Versailles, 1861 / M.A. De Helle, le vieux Versailles.1969, Ed. H. Lefebvre.