LA PROCESSION DU 4 MAI 1789.

Les derniers fastes d’une monarchie agonisante à la veille des Etats Généraux


    Quand Louis XVI convoque les Etats Généraux, il entend donner à cette réunion le maximum de magnificence et de publicité. Dès le dimanche 3 mai 1789, à Versailles et à Paris, à grands renforts de trompètes et de tambours des gardes-françaises en grand uniformes, annonce est faite de la grande procession qui précèdera l’ouverture des Etats Généraux. Les gazettes de Paris publient : « Le Roi, avant de faire l'ouverture des États généraux, voulant implorer les bénédictions du Ciel, S.M. a fixé au Lundi 4 Mai la Procession générale du Saint-Sacrement, à  laquelle elle assistera accompagnée de la Reine, ainsi que des Princes & Princesses de la Famille Royale, Princes & Seigneurs de son Sang. Les Députés des trois Ordres sont invités de se rendre à  cette Procession » Pour les habitants de Versailles et des environs, c’est assurément un spectacle à ne pas manquer. Toute la ville, mais aussi les parisiens veulent y assister. Dès le dimanche, il n’y a plus un logement de libre dans la ville. Beaucoup passent la nuit à la belle étoile ou à la recherche d’un abri ou d’une porte cochère pour s’abriter de la pluie incessante.

Procession des Etats-Généraux, 4 mai 1789. Gravure 1794, BNF 
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    Le roi et la reine n’arrivent que trois heures plus tard, à dix heures, dans un magnifique cortège de carrosses, accompagné des princes de sa suite. Les chevaux sont superbement harnachés, la tête surmontée de hauts plumets. Le cortège se forme alors dans la rue Dauphine (actuelle rue Hoche) sous l’œil ravi des badauds se pressants à chaque fenêtres. La procession traversera ensuite toute la place d’Arme le long des écuries, puis s'enfonce dans la rue de Satory jusqu’à l’Eglise Saint Louis. Sur tout le trajet les façades ont été ornées d’immenses tapisseries issues du Garde-Meuble de la Couronne.

    Les prêtres Récollets ouvrent la procession, suivis des Gardes du roi en habit de cérémonie, puis des députés du Tiers Etat tous de noir vêtus un cierge à la main. Ils sont les plus nombreux. Derrière suivent les députés de la noblesse dans leurs plus beaux atours dorés et empanachés. Le bas clergé tout en noir et surplis blanc précède le haut clergé en robe violette, surplis de dentelle recouverts d’une cape pourpre. Le Saint Sacrement est couvert d’un immense dais de soie brodée derrière lequel le roi suit à pied et quelques mètres derrière la reine que l’on  voit sur la gravure sous une ombrelle. Pour l’occasion le roi est en habit et manteau de drap d’or, il porte sur son chapeau le Régent, le plus gros diamant de l’époque. La reine porte quant à elle une robe d’or et d’argent. Le cortège se termine par le déploiement fastueux de la Grande Fauconnerie, les officiers le faucon au poing et enfin avec les courtisans endimanchés.



Détail de la gravure. On distingue derrière le dais du Saint Sacrement, le roi suivi de la reine sous une ombrelle.

    Le spectacle est évidement magnifique et imposant. Il y a foule pour voir passer cette imposante procession. Les badauds s’agglutinent sur plusieurs rangs. Le roi est encore très populaire et bien acclamé, la reine moins. On voit « des colporteurs profitant de la foule pour proposer leurs peignes, leurs miroirs et leurs billets de loterie. Des notables, bras dessus bras dessous avec leur dames, menacent les gamins impertinents avec leurs canne ». Monocle vissé à l’œil, portant le frac de taffetas rayé de blanc ou de rose, cuisses moulées dans de culottes de drap multicolore, quelques habitués du Palais-Royal applaudissent bruyamment. Marchands d’estampes ou de boissons, petit cireurs, vendeurs de muguet du printemps, tire-laines, coupe-bourses, monte en l’air se mêlent à la foule, chacun à ses affaires.


Détail de la gravure. Au premier rang, les badauds et les tire-laine.

    Car ce n’est que vers midi et demi que le roi atteint l’église Saint Louis. Il a fallu près de deux heures pour que ce cortège de plus de deux mille personnes passe d’une église à l’autre. Il leur faut encore assister à la grand-messe solennelle. L’évêque, monseigneur de la Fare, se lance dans une longue homélie qui dure près de « sept quart-d‘heures ». Il est rapporté que le roi se serait assoupit tandis que l’évêque fustigeait le luxe de la Cour. La cérémonie est longue. Il est dix-sept heures quand Louis XVI sort enfin sous les ovations de la foule massée sur le parvis.

    Le lendemain s’ouvre aux Menus-Plaisirs les Etas Généraux. On connait la suite : le tiers-état réclame le vote par tête pour ne pas être dépossédés de leurs droits face aux ordres privilégiés, noblesse et clergé. La Révolution commence.

Claude Sentilhes


Sources : Cl. Sentilhes et Jacques Labrot in Les Chantiers de Versailles. Ed. Terra Mare. /  Internet : www.chateauversailles.fr › L'Histoire › Les grandes dates › /  Récit des séances des députés des Communes, signé Salomon, Emmery, Camus.in books.google.fr / Grandes fêtes et décors à l’époque de Louis XVI, Alain-Charles Gruber. 1972. in books.google.fr./ Chroniques de la Révolution française,  jacques Legrand S.A. 1988. in Books.google.fr. 

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