MONTREUIL, UN VILLAGE JUSQU’EN 1787.



Avant de devenir un des quartiers de Versailles, Montreuil fut des siècles durant un vrai village.

     A moins d’une lieue du village de Versailles, derrière la butte du Montbauron, existait depuis des siècles le très ancien village de Montreuil (Monstereuil). Il y avait là un moutier (Monasteriolo) fondé par Saint Germain à l’époque mérovingienne sous le patronage de Saint Symphorien d’Autun. Au XII° siècle, le village dépendait du seigneur de Montreuil, un vassal du comte de Montfort, lui-même vassal de l’abbaye de Saint Germain-des-près. Vers 1260, Geneviève, veuve de l’écuyer Jehan de Villoflain (Viroflay), fît don de ses terres à la petite église de Montreuil pour la célébration de messes pour l’âme des défunts.

     La seigneurie de Montreuil comprenait le Montbauron, s’étendait jusqu’aux terres de Viroflay, aux flancs des coteaux (de Picardie) une partie du grand étang (de Clagny), et au sud jusqu’à la seigneurie de Porchefontaine. Nous savons que les deux seigneuries de de Montreuil et de Porchefontaine finançaient à la fin du Moyen-Age une maladrerie destinée aux lépreux, à raison de quatre minots de seigles et quelques vignes sur le flan de la côte de Picardie. Elle est décrite sur les bords du grand étang (de Clagny) (approximativement à l’emplacement de l’actuel Lycée Hoche)

     Au 14° siècle, la seigneurie de Montreuil fut acquise par un riche prélat, Simon de Cramault, évêque de Poitiers, affairiste sans trop de scrupules, qui venait d’acquérir en 1386 la seigneurie de Porchefontaine, assemblant ainsi les terres de Montreuil et Porchefontaine. Quelques mois plus tard, il revendait l’ensemble à un des favoris du duc d’Orléans, Pierre de Craon pour dix mille pièces d’or. Le sieur de Craon avait le sang chaud, et se cru victime d’une machination. Il monta un guet-apens pour tuer l’auteur présumé, échoua, et se fit condamner au bannissement et à la confiscation de ses biens par le roi Charles VI. Porchefontaine fut rasé de « rez de pied et rez de terre ». Deux ans plus tard, le roi fit don des deux seigneuries de Montreuil et Porchefontaine à l’ordre des Célestins, un ordre monastique tout nouveau et qui avait les faveurs royales.

     Les Célestins de Paris possédaient ainsi une « maison des champs » qu’ils conserveront pendant près de trois cent cinquante ans. Sur les ruines du château, ils bâtirent sur les ruines du château de Porchefontaine une grande ferme et en firent à la fois une exploitation rurale et un lieu de repos. Ils n’y résidaient que peu nombreux à la fois, rarement en hiver, plus volontiers à la belle saison. Les moines administraient soigneusement leur domaine qu’ils baillaient à ferme et exploitaient soigneusement leurs bois tout autant que les nombreux étangs du ru de Marivel qui leur procuraient de fortes quantités de poissons d’eau douce. Sur leur domaine, ils hébergaient un procureur, qui avait sur « les biens de mainmorte » droit de haute et basse justice.


Plan du village de Montreuil en 1680, Arch. Nat°-

     Le village était alors dominé par la butte du Montbauron où étaient installées une tour forte et les fourches patibulaires (ou « bois de justice ») des Célestins. Les habitations étaient alors regroupées en deux hameaux distincts de part et d’autre du Montbauron : le premier autour du tracé de l’actuelle rue de Montreuil, le cœur du village, et le second autour du chemin du petit Montreuil (rue de Vergennes) qui conduisait à la route de Sceaux. L’église paroissiale, fort ancienne, était alors relativement éloignée puisqu’elle était située au carrefour de l’ancienne route de Paris (rue Champ Lagarde) et l’actuelle rue de l’Ecole-des-Postes.




L’église de Montreuil. Gravures in Alain Manesson Mallet. La Géométrie pratique.1702. Bibliothèque municipale de Versailles.



   Au 14° siècle, Montreuil semblait un peu moins prospère que son voisin mitoyen versaillais. En témoignait les impôts payés à Jean-le-Bon. Là où Versailles payait 40 sous, Montreuil n’en payait que 10. Depuis il s’était développé sous la férule des Célestins, avec une population composée essentiellement de paysans, de bûcherons et quelques artisans, boutiquiers, aubergistes et rouliers qui trouvaient à s’employer au passage du trafic incessant de la route de de Paris. Quelques vignes étaient cultivées sur les flancs du coteau  exposés plein sud, (Côte de Picardie). Elles ne disparaîtront qu’à la veille de la Révolution.

Au 17° siècle, lors du réaménagement des grandes avenues voulues par Louis XIV, la coupure entre le petit et le grand Montreuil fut accentuée par le tracé et la largeur de l’avenue de Paris. Les énormes travaux qui durèrent plus de quatre ans éloigna définitivement ce hameau qui tout en dépendant de la paroisse de Montreuil se développa autour de l’axe de la toute nouvelle rue des Chantiers. Jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle, Montreuil resta pauvre et peu peuplé : 1200 habitants comparativement à la ville royale. C’était alors un village de maraichers et d’horticulteurs qui fournissent la Cour et la ville en seigle, foin, légumes et un peu de vin. Quelques commerçants, boulangers, charcutiers et barbiers. Des blanchisseuses et des petits artisans, manouvriers et journaliers, mais aussi quelques gueux attirés par les ors de la ville royale.

Louis XV, qui cherchait à étendre le domaine royal, projeta dès 1723 d’acquérir les terres de Montreuil. Il fit faire une estimation des biens des Célestins évalués à 17 990 livres. La négociation fut longue et ce ne fut que le 1er janvier 1748 que les Célestins acceptèrent un projet d’échange de terres qui ne sera finalement ratifié qu’en septembre 1760. Si Montreuil faisait partie enfin du domaine royal, le village restait encore indépendant de la ville royale avec sa propre administration. Pour entrer dans Versailles, les habitants devaient encore passer l’octroi et payer ses taxes. Les multiples passages par le Montbauron permettaient de les contourner.

Eglise saint Symphorien. Carte postale vers 1900.



Finalement ce fut Louis XVI, toujours à cours de finances fraiches, qui annexa officiellement et définitivement en 1787, le territoire de Montreuil à la ville de Versailles, tant pour des raisons fiscales que pour mettre fin à la petite contrebande entre les deux villes. A la veille de la Révolution, Montreuil s’était développé. Les Versaillais allaient volontiers le dimanche s’amuser et s’encanailler dans les cabarets et guinguettes de Montreuil. Mais comme elle devenait la troisième paroisse de Versailles, après Notre-Dame et Saint-Louis, la vieille église trop éloignée fut détruite et remplacée par une nouvelle au cœur du village. Elle fut dédiée à Saint Symphorien en rappel de ses origines. Montreuil, devenu à la mode, accueillait maintenant les résidences secondaires des grands de la cour. Madame du Barry, la comtesse de Provence, madame Elisabeth, sœur du roi qui sera la bienfaitrice des déshérités du village, madame de Marsan, le comte de Vergennes et quelques autres courtisans fortunés.

La Révolution donna un coup d’arrêt à cette prospérité nouvelle. Deux siècles seront nécessaires pour que l’ancien village devenu un des quartiers vivant de Versailles prenne son aspect actuel.

Claude Sentilhes.

Sources : Les chantiers de Versailles. Cl. Sentilhes. Ed. Terra Nostra., 2013. /- Versailles, le quartier des Chantiers et son Histoire. UIA. 2008. J. Royen.. / Sept siècles d’histoire du quartier de Porchefontaine. Chaplot P., Dutrou Cl., 1998. / Claude Dietschy-Picard, Histoire du quartier de Porchefontaine. Imprimerie La Fourmi.1999. / Suzanne Mercet, la belle forteresse de Piere de Craon, revue de l’histoire de Versailles,1929.







LES CHEVAU-LEGERS

Une caserne, un lieu de fête, puis autour de son impasse : les Bains Saint-Louis, le cinéma l'Alhambra et les salles de ventes.

                                               
     C'est en 1748 que fut créé l'Hôtel des Chevau-légers sur l'avenue de Sceaux. Ils faisaient partie de la Maison militaire du roi de France et y occupait le troisième rang, après les Gardes du corps et les Gendarmes de la garde. Au nombre de 200, n'y entraient que des fils de famille noble qui après un certain temps de service et de formation pouvaient acquérir des grades d'officier dans les régiments ordinaires de l'armée. Sous Louis XV, les chevau-légers étaient la coqueluche de la Cour et de la ville pour leur jeunesse, leur bonne éducation et pour leur bel uniforme rouge.


                                    Plan des anciens hôtels acquis pour la création de l'Hôtel des chevau-légers.AMV. 1750.

     Très mal logés dans des locaux de la rue des Bon-Enfants (rue du Peintre Lebrun), il fut décidé en 1741 d'acquérir sur l'avenue de Sceaux plusieurs bâtiments pour  les loger avec leurs officiers, leurs chevaux.  De 1741 à 1751, l'état-major de la Compagnie achète successivement sur l'avenue de Sceaux les anciens hôtels de Louis XIV : l'hôtel des Coches (N°4), l'hôtel des Gabelles et des Fermes (N°6), puis en 1751, l'hôtel de Seignelay (N°8) qui devait devenir la demeure du capitaine de la Compagnie. Les bâtiments, immenses, construits les uns après les autres directement sur l'avenue, formaient un ensemble de cours, d'écuries et de logements avec en arrière un important terrain  formant manège ou terrain de manœuvre. Un angle affleurait la rue de Satory à hauteur du N° 19 et l'autre, la rue de l'Orangerie où existait un passage à hauteur de l'Hôtel de d'Artagnan (N°17) rue de l'Orangerie.
     Fidèles à leur réputation, les chevau-légers donnèrent plusieurs fêtes dans leur hôtel. La plus fameuse fut, en 1757, à l'occasion de la naissance du comte d'Artois. Les chevau-légers donnèrent un feu d'artifice sur l'avenue de Sceaux, avec des illuminations des façades. Un bal qui réunissait le "tout Versailles" eut lieu dans une immenses salle dressée sur les terrains de la "carrière". "L’intérieur des cours étaient décorés dans un gout exquis. Le bal dura jusqu'à huit heures du matin. .. Le bon ordre qui a régné à cette fête, joint à la politesse et aux attentions des chevau-légers, n'en a pas fait le moindre agrément".(Gazette de France). En 1768, ils firent arranger, à leur frais, la contre-allée de l'avenue de Sceaux face à leur hôte en y plaçant des bancs de pierre. Elle devint la promenade favorite des versaillais et des versaillaises sous le nom de "Terrasse des Chevau-légers".


    Plan  de l'Hôtel des chevau-légers en 1783. Plan Contant de la Motte. AMV. 
     Malheureusement, les restrictions budgétaires obligent Louis XVI, en 1787, de réduire sa maison militaire. Il supprime sa compagnie de chevau-légers. L'ensemble des bâtiments est démembré et vendu par lots en mars et avril 1789. Les immeubles passent de mains en mains. On note en 1811 au N°6, un Mont-de-Piété qui sera transféré ensuite rue de Satory. Et en 1830, s’installe au N°4, une imprimerie appartenant à Auguste Montalant, un des membres fondateurs de la Société des Sciences morales. En 1858, son fis transfère l’imprimerie au N°6. Entre le N°6 et le N°8 se crée alors un passage qui s'élargira au fur et à mesure de son utilisation. Le démembrement se poursuit de chaque côté du passage en plusieurs lots :
     A droite du passage, le lot proche de l'avenue qui correspondait à l’ancien hôtel des Fermes, est acquis en 1789 par un certain Laurent Wathiez, ancien "officier de la bouche" du roi, devenu épicier, dont la boutique se trouvait tout à coté « à l’encoignure de l’avenue de Sceaux et de la rue Royale ». Son fils, François Isidore Wathiez, devenu général d'Empire, y finira ses jours en 1856. En 1867, ce lot avec sa maison, ses dépendances et son jardin jusqu'à l'avenue de Sceaux est acheté par Antoine Amédée Mercier du Paty de Clam, colonel du 2° régiment de dragons sous Napoléon III. Il sera le lieu en 1871 d'une certaine agitation en réunissant des députés royalistes, prêts à crier "Vive le roi quand même". En 1973, une partie du terrain sur l'avenue est vendue à une salle des ventes.
      La partie qui s'étendait au fond de l'impasse jusqu'à la rue de Satory restera longtemps un terrain vague, occupé par un marchand de bois. En 1867, la ville de Versailles s'en rend acquéreur pour le revendre en 1869 et y faire construire un ensemble immobilier, "la Villa des Chevau-légers.  Une dernière partie, qui s'étendait jusqu'à l'ancienne rue de l'Orangerie sera à son tour bâtie dans les années 1970, conservant un passage piéton  vers la rue du Général-Leclerc.
     A gauche du passage, au N°8 de l'avenue, ce qui restait de l'ancien Hôtel Seignelay est acquis en 1789 par le duc de Lévis et le comte de Chambrillan, capitaine de Gardes du roi. Les gardes s'y installèrent quelques mois avant d'en être chassés par la tourmente révolutionnaire. Acquis alors par un certain Claude Pierre Sartre, il fut brièvement occupé par la direction des "Droits réunis" équivalents des impôts Indirects. 


                Plan de l'impasse avec les Bains Saint-Louis. BNF. 1900.



        En 1824, le bâtiment est acheté par un certain Charles Imbert. Il existait encore à l'arrière un très beau jardin à l'anglaise, reste de l'occupation par le capitaine des chevau-légers.  Il y fait édifier un hôtel garni et un établissement de bains, les "Bains Saint-Louis" au fond de l'impasse. Cet établissement de bains fut exploité sans interruption jusqu'en 1918. Sa création fut honorée d'un commentaire élogieux : "Paris et les grandes villes ont jusqu'à présent été en possession exclusive des établissements thermaux approprié au traitement des maladies cutanées… On doit donc regarder comme une idée heureuse, et  comme une entreprise qui mérite d'être encouragée, l'Etablissement des Bains Saint-Louis dans un des quartiers les plus sains de Versailles… Les Bains Saint-Louis renferment des bains simples, bains d'eau minérales, bains de vapeur, de fumigation, d'ondées, d'étuves, de douches". (Nouvelle Bibliothèque médicale, tomme III. Paris. 1826. P. 476.).  Des bains Saint-Louis, il ne reste sans doute qu'une  partie de la façade, de ses pilastres et corniches qui ornent maintenant l'entrée des salles des ventes des Chevau-légers.

                           Plan Blondel-Rougerie. 1921. BNF.
     Dans les années précédant la grande guerre de 1914, ce qui restait de l'ancien hôtel Seignelay était à l'abandon. Acquis par le sieur Ugo Ancillotti en 1911, celui-ci fit construire sur le côté gauche du passage un garage et une salle de spectacle qui fut d'abord le Cirque Ancillotti-Plège, puis l'Alhambra-Théâtre avant de devenir entre les deux guerres, le cinéma "l'Alhambra". Il alternait alors les combats de catch et les films de série B, attirant ainsi dans l'impasse tous les militaires de la garnison. Il disparut en 1970 lors de l'opération immobilière réalisée sur les restes de l'hôtel de Seignelay. C'est à cette époque que fut agrandie l'impasse actuelle.

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Sources : Jean Lagny, Versailles, ses rues. Le quartier Saint-Louis. /  J-A Le Roi, Histoire des rues de Versailles, 1861 / M.A. De Helle, le vieux Versailles.1969, Ed. H. Lefebvre.

LES ORIGNES DE LA MAISON D'ARRET.



Au 28 avenue de Paris, l’histoire de la maison Ripaille à la prison des femmes durant la Commune.



En 1750, le sieur Charles Ripaille, dit maitre de pension, fit construire en ce lieu qu’on appelait encore le quartier des Sables une maison dont il fit une pension modeste. Il hébergeait à la demande des saisonniers, des voyageurs souhaitant séjourner dans la ville ou des familles en mal de logement plus confortables assorti de quelques nourritures simples. L’affaire fut suffisamment lucrative pour qu’en 1757, le 59 mars, il l’agrandit en louant au sieur Mignotte la maison mitoyenne, elle-même attenante à la Brasserie Royale. En février 1773, il finit par acheter le tout pour 24.000 livres. Dix ans plus tard, Il revendait sa pension au Roi par l'intermédiaire du Prince de Poix, alors Bailly de Versailles. 



Plan 1821. Surligné en rouge la prison des femmes, à gauche de la rue Saint-Martin séparée par l'ancienne brasserie royale

   Louis XVI y installa d’abord la Garde des Invalides. Cette compagnie qui jouait à Versailles le rôle de garde bourgeoise depuis le début du siècle, avait pour mission d’assurer la police de la ville. Elle ne recevait qu’une rémunération modique et l’approvisionnement en pain et ces vétérans des guerres royales avaient bien du mal à se faire respecter. Un rapport de l’époque note qu’officiers et soldats étaient fort ma habillés, « ce qui nuit à la police, parce qu’ils sont hués par la populace». Pour assurer leur autorité, le gouverneur leur fit fournir une tenue plus soignée. Deux ans plus tard la compagnie était déménagée dans l’ancien hôtel des Gendarmes proche de l’hôtel du Grand maitre. Puis jusqu’à la Révolution l’ancienne maison Ripaille accueillit le régiment de Flandre.



           La Révolution changea le droit pénal. Sous l'ancien régime, les décisions d'incarcération étaient rares, les tribunaux condamnaient en général à des amendes, à des châtiments corporels, aux travaux forcés ou à la peine capitale et la Geôle de Versailles suffisait. La Révolution voulut que la prison, ne soit qu’un lieu de "privation de liberté », autrement dit une punition avec espoir de réintégration du condamné dans la société. Un idéal qui ne résista pas à l’histoire. Devant l'affluence de prisonniers, il fallut créer de nouveaux lieux de détention, à Versailles ceux du Baillage furent débordés. 


La Prison des femmes, carte postale vers 1900



La maison Ripaille fut donc transformée en prison dès la fin de l’année 1789. Elle accueillit d’abord les nombreuses prostituées qui avaient été attirées par les régiments stationnés en ville, et qui ne pouvaient être enfermées avec les détenus masculins du Baillage. C'était le citoyen Duclos, officier de santé, qui y surveillait l'état sanitaire des prisonnières. Dans ses rapports le plus souvent sévères et rigoureux, on découvre parfois des commentaires poétiques et plein de sollicitude pour ses pensionnaires : "Depuis quelques jours cette vaste cage a vu augmenter ses locataires de deux pigeons femelles qui habitués à vivre en discorde avec la vertu, se sont fait reprendre de nouveau au lacet, pour s'y détacher de leurs fatigues. Une d'elles n'a pas perdu à son voyage. Dans quatre ou cinq mois elle espère en donner des preuves à la république".


 Pendant la Restauration, en 1823, des travaux furent entrepris pour en faire une maison de réclusion pour « femmes publiques» qui sera  gérée par des religieuses de Saint-Joseph. Sous le second Empire, en 1860, les locaux furent agrandis après l’achat de quatre terrains avoisinants et dédiés à l'enfermement de tous types de délinquantes, les prévenus étant cependant séparées des condamnées. En 1871, la prison accueillit les Communardes ; Vêtues le plus souvent en uniformes de soldat, on les rhabilla en urgence de tenues féminines quêtées auprès de la population par les religieuses surveillantes. Depuis lors, cette maison d'arrêt qui n’accueillait que des femmes, fut connue dans le département sous le vocable de « Prison des femmes ». Actuellement, la maison d’arrêt accueille quelques hommes bénéficiant du régime de la semi-liberté dans un bâtiment spécifique (66 places), 74 places de femmes en détention et 6 places de semi-liberté pour femmes. Des travaux de modernisation ont été menés en1985.


La maison d'arrêt de Versailles. 2018.



       Les maisons d'arrêt, en France, reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est, en principe, inférieur à un an. Celle de Versailles, comme celle de Bois d'Arcy abrite des "Unités locales d'enseignement" qui font partie de l'Unité pédagogique régionale de la région pénitentiaire de Paris et sont placées sous l'égide de l'Académie de Versailles.






Sources : J-A Le Roi, Histoire des rues de Versailles. 1861./ Cl. Sentilhes, Les Chantiers de Versailles, la grande histoire d’un quartier méconnu, 2013.
L’AVENUE DE SCEAUX.

Un dessein contrarié.




Dernière des trois grandes avenues, elle ne fut jamais achevée.


    L'avenue de Sceaux fut la dernière des trois avenues a être aménagée. Sans doute initialement prévue d'emblée pour accéder par Sceaux au château de Fontainebleau puis qu'on trouve des les premiers plans de la ville cette dénomination. Quand le roi conçu le plan définitif de sa ville, destiné à mettre en valeur son palais, il fit agrandir sa place d’Armes jusqu'à la limite des Ecuries. Pour l’aplanir et en diminuer sa pente, il fit remblayer cet immense espace par de gigantesques quantités de terres et des milliers de mètres-cube prélevés sur le Montbauron. C’est ainsi que les bords de la place se trouvèrent surélevés par rapport aux contre-allées qui desservaient auparavant les hôtels particuliers qui la bordaient. Des escaliers de pierre furent conçus pour y descendre. Cette dénivellation qui atteint quatre à six mètres du côté de notre actuelle rue de la Chancellerie, est toujours visible actuellement quand on débouche de la rue de Satory. Elle sera un obstacle à l'avenir de l'avenue de Sceaux.




     Plan 1705. BMV. On distingue à la limite du dessin de la place d'Armes l'encoche signalant la différence de hauteur et la 'rampe' permettant l'accès. 
     Car dans le même temps, les trois anciennes et modestes allées de la patte d’oie furent élargies pour devenir les trois grandes avenues avec leurs doubles rangées d’arbres et leurs contre-allées. La première aménagée fut l’avenue menant à Saint Cloud et Paris. La seconde fut l'avenue centrale qui deviendra l'avenue de Paris après la construction du pont de Sèvres. De 1680 à 1685, quatre ans de travaux et de gigantesques travaux furent nécessaires pour le creusement de la tranchée au travers des prolongements du relief du Montbauron. Longs, interminables et couteux, l'ampleur de ces travaux fut une des raisons pour lesquelles les aménagements de la troisième avenue qui devait conduire à Sceaux furent réduits au minimum et les travaux arrêtés. 

    Il y eut d'autres raisons : Le roi, toujours obsédé par ses jeux d’eau, a laissé installer sur les hauts du bois Saint Martin deux immenses réservoirs conçus par l'ingénieur Gobert pour recevoir les eaux de l’aqueduc de Buc. Bâtis au bout de l’avenue, ils la ferme définitivement. D'autre part, Le roi se désintéresse de ce prolongement projeté initialement destiné à rejoindre la route de Sceaux et Fontainebleau.

                                             Sur le plan de 1690 (BNF) on note l'existence du premier escalier.                                           

    Entre-temps s'était constitué, presque naturellement, un nouvel accès pour joindre Sceaux et Fontainebleau. Passant par l’avenue de Paris et contournant les dépendances de l’hôtel de Conti, un nouveau chemin s’est créé passant par les chantiers et entrepôts de bois qui s’y étaient installés. Il fut pendant un siècle la route de Fontainebleu par Sceaux et Choisy. Par ailleurs, cette partie de la ville était encore peu peuplée, le Parc aux Cerf n'était pas encore bâti, son lotissement est encore un échec. L'ancien village de Versailles venait d'être démoli en 1678. A la fin de son règne, plus personne ne s'occupait de rendre cette malheureuse avenue viable. Ce qui ne l’empêcha pas, curieusement, de conserver son nom.



En 1750, (plan AMV) l'escalier primitif a été remplacé par une rampe accessible au charrois.
          

    Impraticable, l’avenue le resta d’autant plus qu’aucune voie ne permettait de la désenclaver par rapport à la ville neuve. Le projet de créer la grande avenus Montbauron transversale bordée d'arbres qu'on distingue sur les premiers plans de la ville avait été abandonné. Les Ecuries et les jardins de la princesse de Conti sont infranchissables. Ce ne sera que très progressivement au 18° siècle remit en état cette malheureuse avenue sous la pression de la population du nouveau quartier Saint-Louis alors en pleine expansion sous Louis XV.

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   L’AVENUE DE PARIS.

(Initialement avenue de Porchefontaine, en 1671, Grande Avenue puis avenue de Paris en 1682.)



Il aura fallu plus de vingt ans et le secours de Le Notre pour que l’avenue de Paris acquière le profil et la majesté que Louis XIV voulait pour mettre en valeur la majesté de sa demeure.

Sous Louis XIII, il n’existait que deux routes pour parvenir à Paris. La première était le chemin qui contournait au nord la « montagne » du Montbauron, remontait par l’actuelle côte de Picardie pour atteindre Saint Cloud où se trouvait le seul pont sur la Seine. La seconde route partait de l’angle entre la rue de Satory et l’avenue de Sceaux, puis contournait par le sud le Montbauron, traversait en oblique l’axe de la future avenue de Paris pour gagner Sèvres. Faute de pont, elle longeait la Seine pour atteindre Paris par Vaugirard. C’était l’ancien chemin aux bœufs.




En 1660, lorsque Louis XIV décide de l’extension de son palais il n’existe face au château qu’une petite place se prolongeant par une petite allée s’étendant jusqu’au chemin de Sait Cloud. A l’été 1662, il demande à Le Notre d’agrandir son par cet de projeter les plans de sa future ville.  C’est pour Le Notre l’occasion d’exploiter ses dons d’architecte de l’espace. Il faudra tout de même vingt ans pour que les projets murissent et prennent leur forme définitive.
Le premier projet se limite côté ville au tracé de trois allées en patte d’oie, débouchant sur place en demie lune. Trop modeste pour le souverain. Le projet est amplifié pour aboutir au trident que nous connaissons : deux avenues presque aussi importantes
que la centrales, toutes bordées de quatre rangées d’arbres, se rejoignant sur une immense place d’Armes devant son château. Mais c’était sans tenir compte des obstacles que constituent les reliefs naturels.
Plan parcellaire de 1661. Tracé des routes de Paris par Saint-Cloud ou par Sèvres.
Les travaux commencent par le nivellement de la place d’Armes remblayée au moyen des énormes quantités de terre retirées de l’aplanissement du sommet du Montbauron. Viennent ensuite les travaux de nivellement des avenues. L’avenue du milieu voit sa vue bouchée malencontreusement par la masse du Montbauron qui déborde largement l’axe central. Il est décidé de commencer les travaux d’aménagement de l’avenue de Saint Cloud qui constitue alors la voie principale utilisée par le roi et la Cour pour aller à Paris. L’avenue de Paris reste en friche. Cela déplait au roi.
Cette avenue centrale, face à son château dont la vue est bouchée par le relief du Montbauron blesse son amour des grandes et belles perspectives. De plus il veut un accès vers Paris plus rapide. Le pont de Sèvres est projeté. Il est même évoqué de contourner le Montbauron. Projet rejeté. Le roi entend privilégier sa grande avenue monumentale face à son château et a sa chambre. 


Emprise et extension du Montbauron au delà de l'avenue de Paris. Détail plan J.B. Naudin.1715, corrigé.

Le pont de Sèvres n’est construit qu’en 1684, en bois. Il faudra quatre ans pour creuser une tranchée sur le flanc du Montbauron, ouvrir la perspective et niveler l’avenue. Le « remuement de terre » est gigantesque. Il est effectué à la main, à la pioche et à la pelle au prix d’innombrable charrois pour déplacer ces millions de mètres cubes de terre, les extraire et les transportes sur une autre partie du chantier. Il faut se représenter le va et vient de convois de terre et de pierre à l’aide de brouettes, de tombereaux et de hottes d’osier quatre ans durant. Il faut ensuite les répartir équitablement, notamment pour surélever l’avenue au-dessus des étangs de Porchefontaine. Quand on mesure les pentes des rues Montbauron et de l’Assemblée-Nationale actuelles, on se rend compte le l’ampleur de la tranchée creusée.  


Avenue de Paris terminée. Plan Gaspard de Bailleul,1723.

Ce ne sera donc qu’en 1685 que l’avenue sera terminée et prendra son nom définitif d’avenue de Paris. Enfin aménagée, les dénivellations adoucies, l’avenue se présente dans toute sa majesté, descendant en pente douce jusqu’à la place d’Armes. C’est du fond de l’avenue qu’il faut maintenant admirer la perspective du château sur sa butte, telle que le voulurent le monarque et son génial jardinier-urbaniste.


Sources : Le Guillou. Versailles avant Versailles, Ed. Perrin. 2011. // Vincent Maroteaux. Versailles, le roi en son domaine. Ed. Picard.2000.// Jean Castex, Lecture d’une ville, Versailles. Ed. Moniteur, 1979.



LES AVATARS DE LA RUE DES CHANTIERS


Un exemple des modifications des cheminements versaillais dues au plan d’urbanisme royal avec ses trois avenues en trident.



    Au contraire de bien des rues de Versailles dont les noms ont pour fonction d’honorer les figures aristocratiques ou bourgeoises de la ville, la rue des Chantiers tire son nom de simples entrepôts de bois, qu’on appelait « chantiers » à une époque où le bois était une nécessité quotidienne. Il était la seule source de chauffage et la ville en pleine expansion l’utilisait en quantité. Les marchands avaient tendance à placer leurs ‘chantiers’ au plus près de leur clientèle.

    Lorsque Louis XIV décida de s’installer à Versailles, il dressa un plan d’urbanisme destiné à mettre en valeur sa demeure avec trois grandes avenues en patte d’oie convergeant vers lui, démantelant complètement le réseau des anciennes routes et cheminements ancestraux utilisé depuis des siècles. Les anciens accès aux villages de Buc et de Jouy qui n’étaient que des chemins de terre furent détruits. Auparavant la route de Jouy qui permettait de joindre la vallée de la Bièvres, était issue de la bifurcation de la grande route de Paris passant par Sèvres et Vaugirard. Cette bifurcation se situait à peu près à hauteur de notre actuelle gare Rive-Gauche. Dans toute la ville, tous ces chemins si anciens furent détruits par la construction de ces immenses avenues et des hôtels particuliers qui les bordaient.


Plan parcellaire avec tracé de la ville neuve. 1661


    Pour aller à Jouy, les habitants purent un instant penser que la nouvelle avenue de Sceaux pourrait les y conduire. Hélas celle-ci ne fut jamais terminée, fermée à l’est par les réservoirs Gobert, trop basse par rapport à la place d’Arme où on ne pouvait accéder que par une ‘rampe’ trop pentue, cette avenue resta inutilisable sous le règne du grand roi. Or celui-ci désirait plusieurs fois l’an, se rendre à Fontainebleau et ne pouvait y parvenir qu’en passant -au début- par Jouy et la vallée de la Bièvres, puis par Sceaux et Choisy. Un chemin non prévu initialement se créa spontanément en partant de l’avenue de Paris et passant derrières les communs de l’hôtel de la princesse de Conty qui permettait de retrouver le vieux chemin de Jouy. C’est derrières ces dépendances que les marchands de bois finirent par installer leurs ‘chantiers’ au plus proche de leur nouvelle clientèle de la paroisse Notre Dame. Ainsi quotidiennement, les versaillais vinrent chercher leur bois ‘aux chantier’ et finirent par nommer ainsi populairement « rue de Chantiers » cette partie de la route que les plans royaux dénommaient « route de Fontainebleu par Sceaux ».


Plan des cheminements anciens modifiés par les trois grandes avenues (Cl.S.)


    Au retour de Louis XV en 1722, celui-ci commença par déblayer la route de Fontainebleau des baraques et masures qui empiétaient sur le chemin. Et lorsqu’il étendit la ville royale jusqu’au carrefour de Noailles il attribua officiellement à cette portion de route, le nom que la population lui donnait depuis des décennies : « rue des Chantiers ». Au-delà du carrefour de Noailles où étaient maintenant installée la barrière de péage, fut bâtie le Chenil-Dauphin rejoignant ainsi le hameau du Petit Montreuil, la route conservant sa nomination de Route de Sceaux et Fontainebleau.


Accès aux "chantiers" et à la route de Fontainebleau en  contournant l'hôtel de Conti
       A la Révolution, les barrières d’octroi furent supprimées par souci d’égalité pour ètre rétablie dès le directoire où elles furent déplacées au carrefour de notre rue Albert-Samain. La rue des Chantiers se prolongeait dorénavant jusqu’aux barrières. Au milieu du XIX° siècle, le quartier subit de profondes modifications avec la création des lignes de chemin de fer et la construction de l’église Sainte-Elizabeth. L’accès à la gare se faisant par la rue des Chantiers, spontanément la population l’appela la Gare des Chantiers. Un nouveau quartier était en train de naitre qui s’appela naturellement « quartier de Chantier », du nom de sa gare.
Tracé de la rue des Chantiers et de la route de Sceaux par Louis XV. Plan Gaspard de Bailleul.1727.


    Dernier avatar de la rue : en 1935, la municipalité décida de modifier les noms de certaines rues. La rue des Chantiers fut coupée en deux : de l’avenue de Paris à la gare, elle devint la rue des Etats-Généraux en hommage aux Menus-Plaisirs où naquit la Révolution. Seule la partie s’étendant de la gare jusqu’à la rue Albert-Samain conserva son ancien nom des Chantiers. Cette modification conforta les versaillais dans l’idée que c’était le nom de la gare des Chantiers avait donné son nom à celui du quartier, oblitérant totalement le souvenir de des origines laborieuses et des anciens chantiers de bois où elle naquit.


Sources: Cl. Sentilhes, Les Chantiers de Versailles, Histoire d'un quartier méconnu. Ed. Terra-Mare. 2013./ Jacques Royen. Rapport de recherche del'UIA. 1008.